Colyne Morange

Un monde qui semble brandir la sexualité épanouie comme étendard.

Une société sexualisée.

Un sujet intime exposé. Sur-exposé.

Comment fait-on aujourd’hui dans l’intimité face à cette sur-exposition ?

Il y a eu mai 68, l’utopie de libération des mœurs, la promesse d’une rupture avec le vieil ordre moral et réactionnaire des décennies précédentes, la levée des interdictions, etc. Qu’en reste-t-il, 50 ans plus tard ? Où en est-on, aujourd’hui, dans une société où toute idée transgressive est digérée si rapidement qu’elle est utilisée et réinjectée dans le système comme argument de vente ?

Comment vit-on le sexe véritablement ? Que se passe-t-il réellement en nous et dans nos échanges intimes ? Est-on en accord avec cela ? Comment cette incitation plus ou moins explicite s’immisce dans nos individualités, dans nos intimités sexuelles ? Qu’estce que tout cela provoque ? Où viennent donc se nicher ces incitations et ces images ? Peut-on imaginer que ça n’a pas d’influence sur nos vies, au plus profond de nos sensations et de nos fantasmes ? Sommes-nous sincères avec nos désirs ? Notre besoin de satisfaction semblant illimité, comment déjouer alors les normes et codes que cela impose en nous ? Comment déjouer la satisfaction sexuelle comme valeur sociale et son imposture ?

C’est ce constat et ces questionnements qui nous ont amenées à nous lancer dans une recherche artistique au long cours : XsXsX.

C’est un projet de recherche qui prendra plusieurs formes dans lequel nous tenterons de comprendre, d’identifier et de mettre en lumière la façon dont les codes et les normes fabriqués par cette société marchande s’immiscent au sein de nos intimités sexuelles.

Comprendre pour mieux s’en défaire, pour mieux déjouer, ou jouer avec… XsXsX sera l’occasion pour nous d’explorer des formes artistiques pour en parler, en rire, et partager nos questions avec d’autres. » – Colyne Morange et Vanessa Vallée

Une fille, artiste, met en scène son père, artiste lui aussi. Le spectacle raconte comment, à travers une passion commune pour la musique et le rock, un humour bien planté et un imaginaire partagé, se tisse la transmission entre les générations. Comment l’admiration de l’un nourrit l’autre, avec son lot d’incompréhensions et de déceptions. Entre fiction intime et concert, sur le chemin de leurs intimes convictions, accompagnés de Sylvain Ferlay aux guitares et machines, ils sont le père, la fille et tous les fantômes qui les entourent. Ils sont l’amour filial qui porte vie, désir et courage. Un spectacle haut en intimité et un pied de nez à Freud.

En 2015, Colyne Morange a commencé une recherche artistique autour d’une impression désagréable qui nous envahit parfois : ne pas se sentir à sa place, croire qu’on n’est pas à la hauteur au travail, dans sa famille, voire dans le monde. Une sensation intime, souvent cachée, parfois dangereuse. Ce spectacle en est l’une des pistes : 5 personnes qui se retrouvent sur une scène de théâtre, sans savoir ce qu’elles sont censées y faire, mais sûres d’une chose : elles sont là pour être évaluées. Une ode théâtrale et dansée au doute et à la fragilité qui se demande : comment ne pas devenir imposteur aujourd’hui ?

À travers ce personnage d’une femme en plein doute, un double mouvement du dedans et du dehors naît qui ramène chaque situation à ce qu’elle laisse paraître, en contradiction souvent avec ce qu’elle provoque en nous. Il devient alors difficile de discerner la réalité – les événements vécus ou racontés – de la perception intime. En longeant ainsi la voix intérieure de ce personnage on s’enfonce inexorablement dans le sentiment d’illégitimité, d’insuffisance.
Une sensation qui nous rappelle alors des situations plus ou moins gênantes ou – si nous n’arriverions pas à nous les avouer – ce bout de femme-là tend à les exorciser. Quitte à tordre son impuissance pour libérer les potentiels du rire et la capacité à assumer tout ce qu’elle ne saurait être !

« Je crois au doute et aux zones de flou, je crois que c’est dans la fragilité, l’hésitation et le bancal que nait le mouvement. Et c’est ce que je souhaite affirmer avec ce spectacle. » Colyne Morange